L’histoire de l’abolition de la peine de mort dans le monde, aussi lente soit-elle, montre que dans l’immense majorité des cas, l’abolition a été voulue et engagée sur le plan législatif puis adoptée par les Parlements, sur initiative des pouvoirs publics, ou de leaders, qui ont su « surmonter » la tendance de l’opinion publique et des sondages toujours favorables à la peine de mort.
Mais l’exemple du Japon est révélateur : depuis 1956, le gouvernement effectue environ tous les 5 ans un sondage pour tester l’opinion publique sur le maintien de la peine de mort. Un des derniers sondages montre une forte majorité de l’opinion favorable à la peine de mort à 80%, la considérant comme « inévitable », mais seulement 34% confirment leur opinion comme absolument définitive.
Dans un sondage parallèle, à questions multiples (« deliberative poll »), réalisé au niveau académique et de manière scientifique, il apparaît :
– que 27 % des sondés affirment ne plus changer d’avis en faveur de la peine de mort
– qu’à la question : « Qui doit décider de l’avenir de la peine de mort (maintien ou abolition) ? », 40% des sondés estiment que la décision revient au public (ex : référendum).
Mais 71 % disent
– qu’ils accepteraient l’abolition si le gouvernement en décidait ainsi.
– que la majorité des abolitionnistes ne fonde pas son opinion sur les droits humains, mais sur la prison à vie comme alternative.
Une même majorité ajoute que le risque d’erreurs judiciaires est le premier motif en faveur de l’abolition.
Pour les responsables de ce sondage parallèle, ouvrir le sondage aux questions et au dialogue avec les sondés provoque un degré de réflexion, d’incertitude et d’hésitation, favorable à une ouverture vers l’abolition. Le pouvoir croissant des réseaux sociaux devrait permettre de définir et de diffuser une stratégie argumentaire, dont le langage et le contenu soient accessibles au grand-public – tout en sachant que ces mêmes réseaux sociaux peuvent aussi diffuser les arguments des opposants les plus radicaux à l’abolition.
Un public mal informé demande toujours plus de répression aveugle. Mais dès lors qu’un sondage très affiné permettrait de sonder le public, sur les risques de manipulation ou d’erreurs judiciaires, – sur la disproportion et l’inefficacité de la peine de mort, on imagine mal que le pourcentage de sondés resterait majoritaire pour le maintien de la peine de mort.
« THE PUBLIC OPINION MYTH – DEATH PENALTY PROJECT » – Mai Sato &Paul Bacon – 2015 – http://www.deathpenaltyproject.org/wp-content/uploads/2015/08/The-Public-Opinion-Myth.pdf.
Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=q5v_POd5pHo
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(Cf. le livre « Des droits qui dérangent ? « , édité sur Amazon, en version digitale et en version papier : https://urlr.me/DHvmnJ )